Les types d'accompagnement

Choisir les bons jeux, c'est-à-dire les mieux adaptés au chant que l'on veut accompagner, dépend non seulement de l'instrument et de ses possibilités, mais surtout des diverses composantes à la fois de la partition et des interprètes. Car, en l'espèce, l'organiste n'est pas seul. Il doit se mettre au service de l'expression vocale.

Dans ce sens, le type d'accompagnement devient primordial, puisqu'il conditionne grandement le résultat global de l'interprétation. On peut aborder cette question de deux manières. D'une part selon le nombre de voix de la polyphonie, d'autre part selon le style musical mis en œuvre.

Classement par nombre de voix

A. Monodie (une seule voix) ;
B. À deux voix ;
C. À trois voix égales ;
D. À quatre voix… et plus.

Classement par style

1. Alterné : refrain au GO et couplets au POS
2. Harmonique : basse continue et contrechant
3. Choral orné : chant p. ex. au GO et accompagnement au POS

Accompagner à plusieurs voix

Accompagnement à 2 voix

Il s'agit de jouer le chant à la main droite et la base à la main gauche afin d'asseoir l'harmonie. Le plus simple est de jouer à la main gauche la tonique des accords sur temps forts.

—> Applications

    a. Si l'on n'est pas familiarisé avec la polyphonie
    b. Pour accompagner un soliste (versets de psaume, p. ex.)
    c. Pour une assemblée à l'unisson : répons

—> Avantages

    z. Facilité

Accompagnement à 3 vois égales

Le chant, généralement à la voix de soprano, est complété verticalement par les notes complémentaires de l'accord.

—> Applications

    a. S'adapte à tout type de chant, notamment syllabique, pour peu que l'on connaisse l'harmonie tonale (accords et renversements)
    b. Attention, son emploi avec une chorale à 4 voix peut dérouter gravement les choristes

—> Avantages

    z. Toujours équilibré
    y. Supporte des traitements variés (mise en valeur d'une voix isolée sur un clavier ; en dialogue…)
    x. Essentiellement tonal
 

Accompagnement à 4 voix polyphoniques

La polyphonie à 4 voix a un caractère de plénitude qui donne un rôle à chaque registre vocal (du moins aux quatre principaux de la musique classique). Mais elle exige que l'on respecte l'écriture "à la lettre". Elle est donc à réserver à ceux qui lisent les 4 voix ou à ceux qui préparent sérieusement leur morceau.

—> Applications

    a. Particulièrement recommandable avec une chorale ou une assemblée fournie
    b. Peut aussi soutenir un chant soliste, si l'on choisit des jeux qui n'écrasent pas le chanteur
    c. S'alterne avantageusement avec un accompagnement plus léger pour marquer une alternance Assemblée/Soliste, p. ex.

—> Avantages

    z. Asseoit "confortablement" le chant
    y. Donne de la solennité
    x. Confère de la variété, en couplant accords et développement "horizontal" : chaque voix déroule sa mélodie au sein du cheminenment harmonique

Le nombre des voix mises à contribution n'est donc pas qu'une question d'épaisseur de l'accompagnement. Polyphonique (comme le piano, la guitare, etc.), l'orgue est en plus polytimbral (il fait entendre plusieurs sonorités simultanément). Un accompagnement à quatre voix peut se révéler très léger, s'il est réalisé avec des jeux doux et clairs. Un soutien à deux voix peut, quant à lui, être appuyé, si l'organiste charge l'étagement harmonique des jeux, par exemple en tirant ensemble Principal 8', Principal 4', Quint 2'2/3 en plus de la Rohrflöte 8' et de la Viole de gambe 8'.

En résumé, l'orgue permet de varier ses accompagnements selon trois critères : le choix des sonorités (registration), le nombre de voix (polyphonie) et le style d'interprétation (variation).

Les styles d'accompagnement

Les trois styles décrits ici représentent des familles d'interprétations auxquelles chacun pourra affilier des variantes dans les seules limites de son imagination. Procédons du plus simple au plus complexe.

Alterné

Les mains sont sur le même clavier. Le nombre de voix importe peu. La variation dans l'accompagnement va consister à différencier clairement les interventions de masse (chorale, assemblée) de celles d'un soliste (verset, interlude, stance). Les premières s'accompagnent au clavier de Grand-Orgue (GO), les secondes au Positif (POS).

Rien n'interdit de charger le poids harmonique et acoustique en tirant de nouveaux jeux à chaque reprise, afin de créer un crescendo. Le tout est de toujours équilibrer d'une part le rapport entre chant et accompagnement, d'autre part le contraste entre GO et POS.

—> Applications

    a. Dans les cantiques à refrain et couplets
    b. Pour les psaumes (Antienne/Versets)
    c. Pour le Sanctus (Hosanna/Benedictus)

—> Avantages

    z. Permet un large éventail sonore
    y. Est simple à mettre en œuvre : une fois la registration préparée, il suffit de passer les mains d'un clavier à l'autre
    w. Adapte la force acoustique à celle de la partie chantée

Harmonique

Le dessein de ce style de soutien du chant est de "compléter" la ligne mélodique par la réalisation du développement harmonique qu'elle entraîne. Ainsi, apparenté à la basse continue, il ne s'oblige pas à reproduire telle quelle la ligne du chant, mais plutôt à enrichir la coloration harmonique tout en soutenant la mélodie.

—> Applications

    a. Particulièrement intéressant avec des chants ryhtmés ou rapides, le but étant ici de marquer le rythme
    b. Avec des mélodies fondées sur une basse chantante

—> Avantages

    z. Principalement tonal, se réalise en accords verticaux
    y. Assez facile : pour sa réalisation, il suffit de connaître les accords, le plus souvent indiqués pour les guitaristes

Choral orné

C'est peut-être la forme d'accompagnement la plus raffinée, puisque à la fois elle isole un chant "dominant" et l'autorise à se charger en "fioritures". A ce propos, les ornementations peuvent être dévolues à un accompagnement évocateur, le chant s'en tenant à un "cantus firmus", ou bien venir "fleurir" la ligne mélodique de disgressions ou de diminutions. La difficulté est de faire ressortir la ligne mélodique et d'assurer un complément cohérent. L'indépendance totale des deux mains est en l'espèce une condition indispensable. En effet, la réalistaion gagne grandement à tirer parti des deux claviers, en opposant, par exemple, une main gauche jouant des jeux de fond (Bourdon, Flûte) et une main droite évoluant dans des registres colorés.

—> Applications

    a. En prélude comme en intermède instrumental, afin de varier ou d'alléger un accompagnement à quatre voix
    b. Avec une bonne chorale, qui ne se laisse pas distraire
    c. Pour accompagner le psalmiste aguerri.

—> Avantages

    z. Bien réalisé, l'accompagnement en choral orné est une pièce musicale à lui seul
    y. Apporte de la couleur (puisque l'on peut employer des jeux de mutation ou des mélanges creux)
    w. Est à la fois léger et complet

Cas particuliers
  1. Comment accompagner une mélodie modale ?
    A priori, le grégorien ne s'accompagne pas. Toutefois, primo, il est avéré que la basse en bourdon est utilisée depuis le Xe siècle. Le rôle de cette note tenue (le bourdon, comme celui d'une cornemuse) est de servir de repère en maintenant le ton. Le chanteur prend référence sur cette base et ne détonne pas. En outre, le maintien du bourdon génère des rapports harmoniques avec la ligne mélodique qui appellent des résolutions. La seule variation concerne la clausule conclusive, le plus simplement basse de dominante (quatre inférieure, de type sol-do).
    Secundo, il existe d'autres mélodies modales que le grégorien. Un accompagnement est toujours envisageable, du moment que l'on respecte la modalité. Cela implique de s'en tenir à un diatonisme le plus souvent dépourvu de note sensible.
  2. Qu'appelle-t-on accompagnement vertical ?
    Sur le même principe que l'accompagnement à trois voix égales, l'accompagnement tonal est une réalisation harmonique verticale. La mélodie est jouée par la main droite au GO, par exemple, tandis que les accords sont réalisés par la main gauche au clavier de POS. Il y a alors quatre notes en simultané : la voix de soprano (ou du moins celle de la mélodie chantée) et les trois notes de l'accord tonal. Ce dernier est souvent indiqué sur la partition au-dessus de la portée. Bien entendu, avec un peu de pratique, l'organiste s'autorise des notes de passage qui relient les accords comme autant de ponts d'un ton à l'autre. C'est le début du contrepoint.

En résumé, quand on croise les possibilités qu'apportent ces différents styles d'accompagnement avec les variations du nombre de voix, on ouvre des perspectives sonores à la fois colorées et variées. Mais il faut constamment garder à l'esprit qu'accompagner n'est pas dominer, et qu'il convient donc de rester au service des chanteurs, quitte à les entraîner.

© Patrice Launay